Un patrimoine religieux dense Zoom sur nos édifices
Le Haut-Doubs, terre de moyenne montagne où la forêt était omniprésente, s’est d’abord ouvert à la chrétienté, selon la tradition, grâce à des ermites courageux qui auraient trouvé là un cadre authentique, propice à la prière et au recueillement.
Puis des moines, Bénédictins de Cluny notamment, ont progressivement développé la pratique religieuse dans des abbayes et des prieurés autour desquels les paysans ont construit des hameaux et participé à l’édification d’églises, de chapelles et d’oratoires. Les troubles de l’histoire, guerres, incendies, Réforme, Contre-Réforme dont ce territoire a été l’un des bastions, révolutions, ont fait subir aux édifices religieux des dommages et des évolutions qui expliquent la grande variété des styles, parfois même sur un seul site.
Mais rien n’a ébranlé la foi dans cette terre solide de chrétienté qui a voulu résister aux inventaires de 1905, lors de la séparation de l’Eglise et de l’Etat ; au delà de l’architecture, l’attrait de ce patrimoine provient du mobilier, des objets de culte, vitraux, sculptures, peintures et retables, orgues ou chaires finement ouvragées. Des artistes de renom ont apporté à cet art religieux leur éclatante contribution.
Plusieurs chapelles ou églises décrites témoignent de la richesse de ce patrimoine et illustrent la variété des styles, en fonction des époques, des architectes, des moyens matériels disponibles au moment de leur construction.
Découvrez leurs secrets …
Chapelle Saint-Joseph (les Bassots)
Construite à l’époque de la Contre-Réforme, entre 1684 et 1690, sur les deniers de Claude Binetruy, originaire de Villers-le-lac, cette chapelle illustre le pur style franc-comtois avec son clocher à l’impériale qui domine le porche. Bien que d’un extérieur très sobre, elle renferme un très riche mobilier, essentiellement d’origine, le tout dans un décor remarquable et harmonieux. Quatre-vingts caissons moulurés et très colorés habillent le plafond de la nef, séparée du chœur par un arc en plein cintre, de part et d’autre duquel s’élèvent les autels retables latéraux.
Au chœur, les statues et reliefs représentent la Sainte Trinité (Dieu le Père, la Colombe du Saint Esprit, Jésus Enfant auprès de la Vierge et de Joseph), Saint Pierre, livre fermé et clé unique, Saint Paul, épée et livre ouvert, Saint Claude, patron du fondateur, Saint Nicolas, patron des enfants, sont sur les retables latéraux. Des tableaux d’époque illustrent l’Annonciation, le reniement de Saint Pierre, l’évêque Saint Claude, Saint Antoine de Padoue, Saint Charles Borromée soignant les malades, ou encore le Jugement Dernier. En cas de fermeture, la chapelle peut être ouverte sur demande à la maison voisine.
Eglise Saint-Sulpice (Laval-le-Prieuré)
Cette église, à la fois paroissiale et prieurale, est fondée vers 1125 par les chanoines réguliers de Saint-Augustin de l’abbaye de Saint-Maurice d’Agaune (Valais, Suisse). En 1184, elle est cédée aux chanoines réguliers de Montbenoît. C’est l’une des plus anciennes du Pays Horloger. De cet édifice roman n’ont survécu que le soubassement du clocher-porche et le mur latéral au nord. La construction de l’édifice actuel sur les vestiges de l’ancien est datée de la fin du 15e siècle ou du début du 16e siècle.
A l’intérieur, la nef et le chœur de mêmes dimensions comprennent deux travées voûtées en berceau. Des feuilles d’acanthe ornent les clefs de voûte dont les culots sont figurés. Les vitraux représentent la vie de Saint-Augustin, les moines du prieuré ainsi qu’une représentation de l’édifice ancien. L’unique bas-côté, percé de baies ogivales, accueille l’autel du Rosaire et du Scapulaire (1703). A noter deux rares statues de bois polychromes du 16e siècle de Saint-Ferréol et de Saint-Ferjeux, apôtres de la Franche-Comté, tous deux martyrs céphalophores (“qui portent leur tête”). L’ensemble est inscrit aux Monuments historiques dès 1926. Dans le cimetière jouxtant l’église, une belle croix en fer forgé présente une ornementation végétale soignée.
Sur le Dessoubre, le lieu-dit “moulin Girardot” témoigne de l’installation de meuniers à partir de la fin du 16e siècle.
Notre-Dame de l’Assomption (Morteau)
La première mention du prieuré bénédictin de Morteau date de 1107. Le prieuré se trouve à la tête d’une seigneurie ecclésiastique s’étendant à tout le Val de Morteau. L’histoire de cette église est jalonnée d’incendies et de reconstructions : la première église édifiée sur ce lieu date du 15e siècle. Il n’en reste plus que l’abside à trois pans. Un deuxième édifice est construit au début du 16e siècle dont subsiste le chœur orné de réseaux flamboyants et d’une grande partie de la tour-clocher épaulée de contreforts d’angle à ressauts et coiffée d’un toit à l’impériale. La troisième étape consiste en la reconstruction des voûtes de la nef effondrées à la moitié du 17e siècle. C’est aussi l’époque de la Guerre de Dix Ans (1635-1644), période noire pour la Franche-Comté. Les exactions commises par les mercenaires suédois à la solde du Roi de France ont laissé des traces durables dans la mémoire collective. Une ultime restauration a lieu au 18e siècle. L’église est dépourvue de transept. La haute nef est voûtée d’ogives, séparée par des arcs doubleaux en plein cintre. Le collatéral du Rosaire (de part et d’autre de l’entrée actuelle) présente des voûtes d’ogives finement nervurées dont les clefs feuillagées sont ornées, entre autre, d’instruments d’architecte.
A noter un remarquable mobilier parmi lequel : la Vierge de Pitié en bois polychrome et doré de la fin du 15e siècle, une Vierge Libératrice de Morteau, toile du 17e siècle, signée Blaise Balanche-Richarde, une chaire de la mi-18e réalisée par Claude-Joseph Béliard, sculpteur natif de Morteau, et enfin treize stalles de moines et lambris du chœur datant du 18e siècle. L’édifice est inscrit et le mobilier est classé aux Monuments historiques.
Eglise Saint-Michel (Montlebon)
Les Minimes s’installent dans le Val de Morteau à partir de 1624 à la demande de la population excédée du poids des charges des Bénédictins du Prieuré de Morteau. L’autorisation leur a été accordée par l’Infante d’Espagne Isabelle Eugénie. Cet ordre se caractérise par la rigueur et une grande humilité : ils font vœu de carême perpétuel. Le couvent est occupé jusqu’en 1792 par les Minimes. Il sera ensuite transformé en prison à la Révolution. Il servira enfin de maison commune, d’école et de presbytère. L’église ne fut consacrée qu’en 1686 par l’évêque de Grammont, sous l’invocation de l’archange Saint Michel, et accueillait alors huit religieux, six prêtres et deux frères. Cette communauté prospéra à la mesure des dons et de nombreuses confréries vinrent s’installer dans l’église. Le bâtiment conventuel est disposé en U, fermé par l’église. Le clocher, muni de contreforts en équerre et coiffé d’un dôme, se dresse dissymétriquement à la façade. De nombreux éléments du mobilier du 18e et 19e sont classés aux Monuments historiques. Dans les années 1970, des vitraux modernes et abstraits ont été posés. La mairie a été aménagée dans l’ancienne infirmerie du couvent en 1980. Elle a engagé des travaux pour restituer l’aspect originel des lieux et créer un centre d’animation sociale et culturelle. Le couvent et l’église sont inscrits aux Monuments historiques.
Eglise Saint-Antoine (Cernay-l’Église)
Une église antérieure à 1510 est attestée sur ce lieu.
A cette date, une nouvelle autorisation de construction, “à condition que ce soit sans préjudice pour l’église-mère de Maîche”, donne naissance à ce bâtiment classique qui sera remanié vers 1671, notamment la tour porche, en appareil de pierre. La nef de trois travées est voûtée d’ogives flamboyantes sur doubleaux dont certains culots sont figurés. Les baies en verre simple transparent, ménagées de part et d’autre du chœur et de la nef, font ressortir les ors et les couleurs superbes du maître-autel du 18e siècle. Deux statues en bois polychrome incluses dans ce maître-autel représentent Saint-Joseph et Saint-Barthélemy.
Cette église se distingue par une remarquable statuaire du 16e qui témoigne de l’influence germanique et helvétique : le retable calcaire, déplacé du chœur au 18e siècle dans le collatéral nord, met en scène le “Christ aux liens” entouré de ses douze apôtres disposés dans des niches à coquilles, surmontées de scènes sculptées de l’Ancien Testament, elles-mêmes dominées par les Pères de l’église. Cet ensemble auquel s’ajoutent deux confessionnaux asymétriques en bois sculpté du 18e siècle, la chaire d’Antoine Joseph Burnequez du 19e siècle, en font un lieu exceptionnel d’art religieux de la Contre-Réforme au cœur de la Franche-Montagne.
Notre-Dame de Remonot (Les Combes)
La Grotte de Remonot est remarquable par plusieurs aspects : ce site géologique profond de 30 mètres et large de 12 mètres est alimenté par quatre sources, dont une “miraculeuse”.
C’est un lieu de culte depuis le 7e siècle, époque supposée de l’installation d’ermites, ce qui a favorisé l’implantation de communautés villageoises à proximité. La légende raconte qu’un ermite vivait ici, prenant soin d’une statue de la Vierge qui avait des vertus de guérison, notamment des maladies oculaires. A sa mort, les moines de Montbenoît s’empressèrent de ramener cette sculpture dans leur monastère mais les miracles cessèrent et la statue s’échappa de nuit pour rejoindre d’elle-même sa grotte ! Celle-ci fut restaurée à partir de 1857 avec l’élévation d’un autel, la construction d’une grille à l’entrée, la pose d’un clocher en bois à son sommet ; on peut admirer la Vierge de Pitié en bois polychrome du 15e siècle placée au-dessus de l’autel ainsi que le Dieu de Pitié du 16e siècle et les statues en bois peint et doré de Sainte-Barbe et Sainte-Agathe du 18e. Ces quatre sculptures sont classées Monuments historiques.
Notre Dame de la Pitié est aujourd’hui encore un lieu important de pèlerinages le lundi de Pentecôte, le 15 août et le deuxième dimanche de septembre. Aux alentours, on admirera l’impressionnant défilé d’Entreroches, succession de grottes et de falaises le long du Doubs. Quelques kilomètres plus loin, en direction de Pontarlier, se trouve la surprenante Grotte du Trésor. Son nom provient de la légende qui indique que ce lieu serait le repaire de la Vouivre gardienne du butin d’une bande de voleurs.
Eglise Saint-Michel (Les Bréseux)
La chapelle primitive, mentionnée dès 1614, située au lieu dit “La Velle“.
Après la révolution, pour disposer d’un site moins exigu, l’abbé Burnequez doit choisir l’emplacement de la nouvelle église. Pour ne pas donner de préférence à l’un des deux propriétaires qui offraient du terrain, il choisit une parcelle un peu excentrée du village.
Au bout du 19ème siècle, une restauration est effectuée ; on construit le clocher, le toit est couvert de laves. Les murs sont en torchis réalisés avec de la chaux mélangée à des poils de vache pour ne pas craqueler sous l’effet de la forte amplitude thermique de la région.
Outre le seul vestige de l’église primitive : une toile de Claude Carteron (1679) représentant une Vierge à l’enfant, l’intérêt majeur de cet édifice réside dans un exceptionnel ensemble de vitraux, réalisés de 1948 à 1950 par Alfred Manessier, témoignages majeurs de l’art sacré contemporain. Une de leurs particularités est d’avoir été les premiers, non figuratifs, dans une église ancienne.
Avec sa petite taille (16mx7m), son aspect architectural extérieur, son inscription dans le paysage, ce lieu encourage au recueillement. La cure, abritée par des lambris, caractéristiques de la région, forme avec l’église un bel ensemble du 18ème siècle (à noter la cave et son tablard en pierre destiné à la conservation des aliments).